Avant projet de loi Fonction Publique L’intervention de la CGT au Ministère

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Sur le fond, la pauvreté des arguments mis en avant pour justifier les dispositions contenues dans le texte souligne combien nous avons en réalité affaire à des a priori idéologiques. A cet égard, l’exposé des motifs qui se gargarise, jusqu’à satiété, des termes de managers et de souplesse est à l’explication rationnelle ce que Chantal Goya est à la chanson française.
« Dans le budget de l’État, la moitié des dépenses est consacrée à la rémunération des fonctionnaires ». « Il est temps de réconcilier la France et sa Fonction publique en montrant clairement qu’elle peut respecter les aspirations modernes de nos compatriotes ». « La mobilité ascensionnelle doit se faire autant par le mérite que par le concours ».
Nous aurions pu multiplier ces citations. Contrairement à ce que tout le monde est fondé à croire, elles ne sont pas extraites de l’exposé des motifs de la loi ni d’une des nombreuses expressions de représentantes ou de représentants de la majorité actuelle. Elles sont extraites du rapport de Monsieur Longuet, alors député, en date d’octobre 1979. C’est peu de dire que, surtout à cette époque, monsieur Longuet était connu pour ses pulsions ultralibérales.
Cela démontre aussi que, sous le vernis de la modernité que vous invoquez, se cachent les recettes les plus éculées des partisans d’une loi du marché régnant en maître partout et de tout temps. D’ailleurs, si le Président de la République et le gouvernement auquel vous appartenez étaient véritablement soucieux de la Fonction publique, de ses missions et de ses agents, c’est une tout autre politique qui serait menée depuis des mois. Parce que si, pour vous, aimer les agents de la Fonction publique, c’est amputer leur pouvoir d’achat par le gel continu du point d’indice, c’est rétablir l’injuste jour de carence et pratique de nouvelles coupes massives dans l’emploi public, c’est un amour dont nous pouvons aisément nous passer.
 
Pour en revenir directement au projet de loi, il s’agit bien d’une attaque frontale contre le Statut d’une ampleur inédite. A la CGT, nous considérons qu’au moins trois axes sont autant de casus belli.

Il y a d’abord la mise en place de l’instance unique procédant de la fusion des CT et des CHSCT. Ce « Comité Social d’Administration » – qui n’a de social que le nom – aura pour conséquence d’affaiblir et de diluer dans une instance fourre-tout, ni fluide ni agile, l’analyse et le travail à mener sur des enjeux très différents. A contrario, la CGT considère qu’il faut maintenir des organismes distincts, en renforçant leurs moyens et leurs prérogatives : recours élargis aux expertises indépendantes, reconnaissance du délit d’entrave, obligation de négociation sur les textes ayant fait l’objet d’un vote majoritairement contre des syndicats représentatifs, etc.

Il y a ensuite l’assèchement des compétences des CAP. En en faisant de simples instances de recours, elles seront cantonnées à des questions de nature conflictuelle. Ce qui n’est ni managérial, ni souple. De surcroit, c’est au moment même où vous comptez faire de la mobilité contrainte un outil de vos restructurations massives et des nouvelles règles de promotion un levier pour la méritocratie que vous semblez chérir, que vous dépossédez les représentants du personnel – et donc les agents – des éléments permettant d’assurer transparence et équité. Lorsque l’on prend en compte, et l’instance unique, et des CAP réduites à la portion congrue, on peut mesurer également le peu de considération que vous nourrissez à l’égard des élu.e.s et mandaté.e.s.
A rebours de votre vision, la CGT estime que les CAP devraient avoir un rôle plus étendu que ce soit sur les mobilités ou sur les promotions. Nous estimons également qu’elles devraient avoir, avec des moyens accrus pour ce faire, de nouvelles compétences dans le domaine de l’égalité professionnelle.

Enfin – et, encore une fois, pour s’en tenir aux principaux points noirs de ce projet de loi, il y a le recours accru, c’est-à-dire massif, au non-titulariat. Qu’on ne s’y méprenne pas : la CGT défend tous les salariés et, au premier rang, les plus précaires d’entre eux que sont les CDD dont, malheureusement, la Fonction publique regorge déjà. Et, plus que jamais, nous continuons à le faire. Ce que nous contestons formellement, c’est que le non-titulariat corresponde aux principes qui doivent continuer à régir l’emploi dans les trois versants de la Fonction publique. Même si elle est déjà écornée ; l’égalité d’accès aux emplois publics est une règle saine et moderne qu’il convient de renforcer. Le recrutement de gré à gré, dont découle directement la contractualisation, va à l’encontre de cette nécessité et ouvre grand les portes aux pratiques clientélistes et discriminatoires. La garantie essentielle pour les citoyens de neutralité et d’impartialité de l’agent public quelles que soient les circonstances – garanties consubstantielles aux droits et obligations portées par le Statut Général – est remise en cause par le non-titulariat. Il n’est déjà pas facile de s’opposer, quand elles se produisent, à des dérives de ses supérieurs hiérarchiques lorsque l’on est fonctionnaire ; cela relève de la mission impossible lorsque les principaux éléments de son contrat – voir l’existence même de ce contrat – dépend du supérieur auquel vous avez pourtant l’obligation de vous opposer s’il se rend coupable de dérives. Vous dites, monsieur le Ministre, vouloir endiguer la précarité et défendre l’égalité d’accès aux emplois publics.
 
Il n’est de meilleure politique que de savoir reconnaitre ses erreurs.
Renoncez donc à vos sorties de route et, comme la CGT, proclamez votre volonté de mettre en œuvre un vaste plan de titularisation.
Bien sûr, nous nous opposons à ce texte car nous venons de le souligner, il est lourd de menaces pour tous les agents des trois versants de la Fonction publique, leurs carrières, leur droit d’expression et leurs conditions de travail. Mais, soucieuse de l’intérêt général et du progrès social, la CGT n’oublie surtout pas qu’il constitue également une attaque frontale contre la Fonction publique adaptée aux besoins contemporains de la société et à des services publics de qualité que sont en droit d’attendre les citoyens.
Nous sommes présents à ce Conseil Commun sans illusion sur ce qui pourrait en sortir de positif, tant depuis des mois, vous pratiquez le déni de démocratie sociale.
La CGT – qui, il est vrai, n’est que la première organisation syndicale de la Fonction publique – n’a pas eu l’heur de voir la moindre de ses dizaines de propositions retenues. Faut-il être réconfortés par le fait que vous logez à peu près toutes les organisations syndicales à la même enseigne ?
Sincèrement, nous croyons que non.
L’addition, complaisamment et laborieusement mise en avant, des réunions et des heures passées ensemble n’est rien d’autre qu’un effet d’affichage. C’est ce constat qui a conduit notre organisation syndicale à ne pas proposer d’amendements à ce CCFP ni dans les trois Conseils Supérieurs.
Si le gouvernement était dans les dispositions de prendre en compte de véritables et structurelles modifications à son projet de loi, il l’aurait fait au cours des nombreuses semaines qui ont précédé, ce qui, encore une fois, n’a été nullement le cas. La CGT votera contre ce texte dont elle demande le retrait. Au-delà de ce Conseil Commun, notre organisation syndicale continuera de combattre ce projet hautement régressif et à faire valoir des orientations en rupture avec celles, libérales, que vous défendez.