DECLARATION CGT AU CONSEIL SUPERIEUR DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE DU 23 FEVRIER 2012 Un nouveau plan psychiatrie bien vide !

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Sur la forme :
 
Nous ne pouvons accepter le manque d’association des représentants des professionnels pour l’élaboration du plan de santé mentale que vous nous présentez ce jour.
Dans le plan, vous citez comme rédacteurs les acteurs de la psychiatrie, mais qui sont ‘ils ?
Qui compose ce comité d’orientation ?
 
Par ailleurs, notre organisation s’est à plusieurs reprises exprimer sur la nécessité de procéder à un véritable état des lieux de la situation de la psychiatrie française.
– Evolution des structures
– nombre de lits
– nombre de places
– la démographie professionnelle
– la formation professionnelle
– taux d’occupation
Cette liste est loin d’être exhaustive.
Mais également de procéder à un bilan de mise en œuvre du premier plan de santé mentale.
La cour des comptes et le haut conseil de santé publique en font une critique très négative en décembre 2011.
Comment envisager de mettre en œuvre un nouveau plan santé mentale sachant que le 1er bien qu’insuffisant dans sa conception, n’a même pas été mis en application dans sa globalité.
Pour la CGT, améliorer l’offre de soins en psychiatrie pour répondre efficacement aux besoins des usagers ne peut s’effectuer par des mesures partielles qui ne répondent pas aux nombreuses attentes. Notre constat de la situation dans les lieux de prises en charge sur terrain témoigne d’un délabrement du secteur.
Le plan santé mentale comme la loi du 5 juillet 2011 portant sur les soins sans consentement sont des réponses inadaptées qui participent au détricotage du secteur et à la stigmatisation du malade dans un contexte sécuritaire.
 
Sur le fond :
 
Nous trouvons inadmissible de ne pas avoir eu les documents en amont pour travailler, nous ne les avons reçus qu’à 15h54 le 22 février 2012, parce que nous les avons demandés pour une réunion ce 23 février 2012. Nous considérons, en tant que représentant des personnels, qu’il est inconcevable et contraire à tout dialogue social digne de ce nom qu’un document d’une telle importance nous soit présenté la veille pour le lendemain. Il conviendrait donc de programmer une nouvelle réunion pour un échange sérieux.
 
Notre première lecture nous montre que les orientations de ce plan sont encore dans une logique sécuritaire de soins sous contrainte, stigmatisant le patient, sans aucun moyen nouveau. Les conditions de travail des personnels sont abordés et non traités. La formation des professionnels de la psychiatrie est oubliée.  Ce plan ne répond qu’a une logique comptable résultant d’une politique libérale, dont la mise en œuvre est confiée au bon vouloir des ARS.
 
La seule réponse possible réside dans l’élaboration d’une loi d’orientation et de programmation pour la psychiatrie.
 
La psychiatrie publique est aujourd’hui mise à mal, prisonnière à la fois des contraintes budgétaires et de la dérive sécuritaire. Avec moins de moyens, il faudrait répondre à des exigences accrues qui ne concernent pas uniquement la santé mais qui touchent à l’ordre public.
La récente loi du 5 juillet 2011 illustre cette aberration qui consiste à utiliser les temps infirmiers pour accompagner les malades au tribunal au détriment des activités de soins et ce sans le moindre moyen humain supplémentaire alors que toutes les équipes de psychiatrie se plaignent du manque d’effectif et de la multiplication de leurs missions.
Il y a nécessité d’un état des lieux pour la psychiatrie. La CGT réclame un état des lieux sur la réalité des moyens dont disposent la psychiatrie publique, préalable nécessaire à une loi de programmation sur la psychiatrie qui ne se limite pas à une loi sécuritaire. En effet, aucun service ou secteur n’est épargné dans la politique de réduction des moyens dans l’hôpital public qui se poursuit inexorablement depuis des années. Pour autant, il est actuellement impossible de savoir exactement comment les budgets alloués à la psychiatrie sont utilisés.
 
Dans les secteurs rattachés dans les hôpitaux généraux, ces budgets sont noyés dans ceux de l’hôpital et contribuent à l’équilibre financier de l’établissement sans que les directeurs n’aient à rendre compte de leur utilisation pour leur but initial. La psychiatrie se trouve donc indirectement impactée par la T2A, qui accroît les déficits hospitaliers, alors qu’elle échappe en théorie à ce mode de financement.
 
Il y a des disparités inadmissibles. Comment peut-on justifier les disparités de moyens entre les secteurs rattachés aux hôpitaux généraux, par rapport à ceux des CHS. Ces derniers ne sont pas pour autant dans une situation enviable. Ils ont vu aussi leurs moyens se réduire d’années en années. De plus, il existe de grandes disparités d’un hôpital à un autre. Ces disparités tiennent souvent à l’histoire mais force est de constater que rien n’a été fait pour les combler alors que la politique de secteur officiellement en place depuis plusieurs décennies devait permettre un accès aux soins équitables, quel que soit le domicile.
La persistance des disparités atteste de l’absence de volonté politique de doter la politique de sectorisation de réels moyens et de combler les inégalités. Celles-ci sont particulièrement criantes en pédopsychiatrie comme en témoigne la grande hétérogénéité des moyens institutionnels pour les enfants et les adolescents sur l’ensemble du territoire.  
 
Des saupoudrages budgétaires inadaptés :
 
L’attribution d’enveloppes sur des appels à projet ponctuels pour développer des équipes mobiles ou des maisons des adolescents ne constituent que des saupoudrages ridiculement insuffisants, souvent non pérennes, et inégalitairement réparties au détriment des moyens perdus à grande échelle du fait des choix économiques et parfois à la faveur d’une politique de désinstitutionalisation sans alternative. Le choix du transfert de certaines missions de la psychiatrie vers le médicosocial et social pour des raisons économiques montre ses limites.
 
Contre la logique gestionnaire au nom de la rentabilité.
 
Les secteurs dépendant des CHS sont d’autant moins à l’abri qu’ils peuvent constituer des réserves de moyens humains pour des gestionnaires zélés et politiquement affranchis aujourd’hui de toute obligation en matière de santé publique et qui doivent concentrer toute leur énergie sur l’équilibre financier de leur établissement. Les services de psychiatrie où comme chacun sait, les moyens humains sont prévalent deviennent de formidables terrains d’exercice pour dégager des « marges » d’économie. Dans ce contexte, les politiques de santé publique centrées sur des priorités sanitaires, sur des évaluations épidémiologiques prenant en compte les besoins des populations deviennent totalement inefficaces.
Les regroupements de moyens, préconisés dans le cadre des GCS, sont justifiés uniquement par cette logique économique sans réelle justification sanitaire et là où ils ont été mis en place, en dehors du champ de la psychiatrie, ils n’ont servi qu’à faire la part belle au privé.
 
Faire le choix de l’investissement de la psychiatrie publique, la CGT est hostile à la mise en place d’une valorisation de l’activité en psychiatrie qui ne serait que la transposition de la T2A comme les laborieuses préalables le laisse entendre. Il faut garantir un budget global comme base de financement de la psychiatrie pour garantir dans le cadre de la sectorisation une égalité de base des moyens des différents secteurs. C’est aussi la condition pour ne pas favoriser à priori les actes techniques ou spécialisés au détriment des relations soignantes dont l’investissement est sur le long terme.
Les soins en psychiatrie sont indissociables de la prévention en particulier mais pas seulement en pédopsychiatrie. Les MIGAC sont de ce point de vue totalement inadapté. On a vu à l’usage qu’elles étaient vouées in fine à servir de variable d’ajustement et étaient les premières à sauter selon les priorités budgétaires.
 
Pour un budget global attribué à la psychiatrie sur des bases nouvelles
 
Si un budget global doit être garanti, il ne peut pas être évalué comme dans le passé, sans tenir compte de tout changement dans l’activité ou des besoins plus spécifiques à tel ou tel territoire.
Le budget de la psychiatrie doit être ajusté à l’augmentation de la demande de la population envers la psychiatrie depuis des années. Faute de cet ajustement la psychiatrie se retrouve aujourd’hui en grande difficulté. D’autre part, les allocations budgétaires doivent compenser les inégalités préexistantes et tenir compte des caractéristiques sociales et démographiques de la population. Cela suppose la mise en place d’une concertation démocratique impliquant à chaque niveau : national, région ou établissement, les élus, les représentants des usagers et des personnels de santé. Cette concertation doit commencer dès le moment où sera fait l’état des lieux et être inscrite dans la future loi de programmation sur la psychiatrie. La nécessité de réévaluer les moyens est une nécessité car l’OMS prévoit que la part de la santé mentale dans la santé publique va augmenter à l’avenir. Il faudrait avoir le courage de dire qu’il faudrait d’ors et déjà augmenter le budget de la psychiatrie compte tenu du retard à combler et de la dégradation de l’outil de soin. Mais au-delà de la dotation totale dévolue à la psychiatrie, il faut garantir l’attribution des moyens dans le cadre de la sectorisation pour garantir la proximité, la continuité et la gratuité des soins en psychiatrie.
En psychiatrie, les obstacles à l’accès aux soins sont autant économiques et matériels que psychologiques. Une loi de programmation pour la psychiatrie doit donc avant tout s’appuyer sur une politique de secteur dont les moyens sont garantis tant pour l’extra-hospitalier que pour l’intra-hospitalier
 
La CGT s’oppose à ce plan, qui ne répond en rien aux réels besoins de la psychiatrie que nous venons de développer.
 
Il est grand temps de se doter d’une politique sanitaire ambitieuse pour la psychiatrie, respectant la dignité des patients et qui place son approche dans une discussion humaniste.
La loi du 5 juillet sur les soins sous contraintes doit être retirée, elle ne saurait en aucun cas constituer le préalable ou la première étape d’une loi de programmation sur la psychiatrie sans en pervertir d’emblée le fond et l’esprit.